Droit social Traitement social des dirigeants de holding : où en est-on aujourd’hui ?
Outil à la fois de structuration patrimoniale de l’activité agricole et de maîtrise de l’assiette sociale des exploitants, la société holding n’est pas un phénomène nouveau en agriculture mais connaît ces derniers temps un certain regain d’intérêt.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La récente réforme de l’assiette de cotisations des non salariés agricoles incite les praticiens à s’intéresser de plus près à la société holding1. Elle fournit également, pour certains exploitants, l’occasion de repenser plus globalement la façon dont l’activité agricole et les activités complémentaires qui lui sont éventuellement associées peuvent être organisées. Consciente de l’évolution des pratiques, la Msa, elle aussi, prête attention à la mise en place de ces schémas à vocation d’optimisation. La période est donc propice à une clarification des règles sociales applicables à ces sociétés holding, et notamment à leurs dirigeants.
La société holding, qui n’est autre qu’une société ayant pour objet de détenir une participation au capital d’autres sociétés, ne revêt pas une forme sociale particulière. Il peut s’agir d’une société de capitaux (SA, Sarl ou Sas) ou bien d’une simple société civile. Si le choix d’une forme sociale plutôt qu’une autre peut être déterminé en fonction de critères tenant au contrôle de la structure (stabilité du capital, aménagement statutaire plus ou moins important des conditions d’agrément, pouvoirs et révocabilité des dirigeants), cette forme sociale pourra également avoir une incidence sur le statut social de ses dirigeants. La question de l’affiliation du dirigeant de holding et, en corollaire, de son assiette de cotisations sociales doit forcément être posée dans tout projet envisageant de recourir à ce type de schéma. Une distinction doit, à ce propos, être opérée entre les sociétés holding dites animatrices et les holdings purement patrimoniales.
Les dirigeants de holding animatrice : des assurés bien souvent pluriactifs
- Règles d’affiliation des dirigeants de holdings animatrices
Si, comme on le verra plus loin, par nature, une société civile à objet purement patrimonial ne s’inscrit, en principe, dans le champ d’aucun régime social de travailleur non salarié (ni Rsi, ni Msa), il en va autrement des holdings animatrices. Cette dénomination, empruntée au droit fiscal et plus particulièrement aux dispositions applicables en matière d’Isf, désigne les sociétés holdings ayant pour objet d’animer un groupe de sociétés dont elles sont la mère. C’est donc par lecture de la doctrine administrative fiscale et de la jurisprudence rendue en la matière que l’on peut préciser la qualité d’animatrice.
Ainsi, selon la doctrine administrative, sont considérées comme des holdings animatrices de leur groupe les sociétés qui participent activement à la conduite de la politique et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables financiers ou immobiliers2. La jurisprudence, quant à elle, considérant que la fourniture effective de services administratifs, comptables et autres n’est pas en soi suffisante, s’assure de plus que la ou les filiales respectent la politique générale définie par la holding3. Par ailleurs, les juges s’attachent également à vérifier que la holding, qui définit la politique du groupe et au niveau de laquelle doivent donc être prises les décisions stratégiques, dispose en interne des compétences nécessaires à la réalisation de cette mission (capacité et compétence des dirigeants). En filigrane, il ressort de ces précisions que la holding doit exercer une activité réelle. L’administration fiscale qualifie en effet la holding animatrice de société exploitante à part entière, susceptible dès lors de bénéficier de l’exonération d’Isf au titre des biens professionnels.
De cette définition fiscale de la société holding animatrice découle son traitement social. La holding étant en effet réputée exercer une activité commerciale, les personnes participant à cette activité seront affiliées soit auprès du régime général soit auprès du régime des travailleurs indépendants (Rsi). Si le régime fiscal de la holding est sans incidence sur le régime social de rattachement, il en va différemment de la forme juridique de la société. Ainsi, les présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres du directoire de SA, ainsi que les présidents et dirigeants de Sas, s’ils sont rémunérés, sont assujettis obligatoirement au régime général de la sécurité sociale (donc en qualité de salariés). Dans les Sarl en revanche, si les gérants ne détenant pas plus de la moitié du capital (seul ou ensemble en cas de gérance collégiale) sont assujettis au régime social des salariés (toujours sous condition d’être rémunérés), les gérants majoritaires (ou appartenant à un collège de gérance majoritaire) relèvent, quant à eux, du régime des non-salariés.
- Application des règles de la pluriactivité
L’affiliation du dirigeant de la holding au titre de ses fonctions de direction le place, dès lors, dans une situation de pluriactivité s’il est, par ailleurs, déjà affilié en tant que non-salarié agricole. Ce sont les dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale qui sont alors applicables. Si l’activité non salariée agricole est cumulée avec une activité salariée au sein de la holding, c’est le principe d’affiliation et de cotisations simultanées auprès de chacun des régimes compétents qui s’applique4. Les prestations, en revanche, ne sont servies que par le régime dont relève l’activité principale. Il s’agira de l’activité salariée si le dirigeant de la holding y consacre plus de 1.200 heures par an et en tire un revenu au moins égal au revenu de son activité agricole non salariée5.
Par contre, si au titre de sa participation à l’activité de la holding, l’affilié relève du Rsi (cas notamment des gérants majoritaires de Sarl), il se trouvera dans une situation de cumul de plusieurs activités non salariées, régie quant à elle par le principe de caisse unique. L’assuré doit, en effet, dans cette hypothèse, être rattaché au seul régime d’assurance maladie-maternité et vieillesse de l’activité principale6. En principe, est considérée comme principale celle des activités de l’assuré lui procurant les revenus les plus importants7.
- Impact de la réforme de l’assiette des non salariés agricoles
Il est à noter que le traitement de ces situations de pluriactivité est, en pratique, impacté par la réforme de l’assiette des cotisations des non-salariés agricoles, bien que de façon marginale. Tout d’abord, quelle que soit l’hypothèse de cumul d’activités, pour la détermination de l’activité principale, les revenus agricoles de l’exploitant doivent désormais tenir compte de la fraction de revenus de son conjoint et de ses enfants mineurs réintégrée dans son assiette de cotisations Msa. Qu’il s’agisse de désigner l’organisme versant les prestations (cumul salarié/non salarié agricole) ou l’organisme unique auquel sera rattaché l’ensemble des activités (cumul non salarié agricole/non salarié non agricole), la réforme, en augmentant les revenus agricoles pris en compte, conforte le champ de compétence de la Msa.
Ensuite, dans l’hypothèse de cumul d’activités non salariées, la réglementation imposant d’appliquer à l’ensemble des revenus d’activités de l’assuré les règles d’assiette en vigueur dans le régime de son activité principale8, les règles d’assiette Msa seraient donc applicables aux revenus perçus dans la holding. Si la société holding est soumise à l’impôt sur les sociétés, le rattachement au régime agricole n’entraînera aucune conséquence puisque les règles d’assiette en la matière ont été harmonisées entre les régimes Rsi et Msa. En revanche, si la holding est fiscalement soumise au régime de l’impôt sur le revenu, et si les membres de la famille de l’assuré sont associés de la holding, la quote-part de bénéfices perçus par ces derniers dans la holding devra pour partie être prise en compte pour la détermination de l’assiette de cotisations de l’assuré. Ce qui ne serait pas le cas si l’activité au sein de la holding demeurait affiliée au Rsi. Seulement, puisque les sociétés holding sont très rarement, voire jamais, soumises au régime fiscal des sociétés de personnes, gageons que cette conséquence défavorable de la réforme de l’assiette des non-salariés agricoles demeurera théorique.
La holding patrimoniale : un eldorado social ?
De par l’organisation des exploitations et de leur environnement, les holdings animatrices ne se rencontrent que très rarement dans le milieu agricole. La question de la holding, dans ce secteur, se résume donc essentiellement au schéma de la holding patrimoniale. Cette dernière a pour objet la gestion de son propre patrimoine et se cantonne à l’exercice de son rôle de simple associé dans les sociétés dans lesquelles elle détient une participation. On parle aussi d’ « associé passif ». Au regard de la réglementation sociale, en l’absence d’activité réelle, les associés dirigeants ne peuvent, de fait, être considérés comme participant à l’activité et ne relèvent donc d’aucun régime social au titre de cette fonction. Seules les personnes titulaires d’un véritable contrat de travail seront affiliées au régime général.
Les revenus perçus par les associés dirigeants de ces holding passives sont donc soumis à la Csg, Crds et autres contributions sociales applicables aux revenus du patrimoine, au taux global de 15,5 % (dividendes le plus souvent). Ce taux de cotisation, sensiblement plus faible, constitue donc un potentiel d’économies substantielles, qui a donné naissance aux holdings d’optimisation sociale. Un avantage qui est d’autant plus important que, à ce jour, la société holding n’est pas impactée par la réforme de l’assiette des cotisations précitée. Seulement, sans revenir dans le détail sur les précautions indispensables à observer lors de la mise en place de ces montages9, il convient de faire état des décisions de jurisprudence qui les ont sanctionnés en abus de droit. Précisons cependant que si certaines décisions se prononcent sur la définition du périmètre des revenus soumis à cotisations sociales, d’autres portent, quant à elles, sur le principe même d’affiliation au régime des non-salariés agricoles. Certains exploitants ont, en effet, cherché, non pas seulement à réduire leur assiette de cotisations, mais, de façon plus radicale, à sortir du régime des non salariés agricoles.
Tout d’abord, sur la question de l’assiette de cotisations, la Cour d’Appel de Toulouse s’est prononcée en 2009 sur le cas d’une société holding (constituée sous forme de Sarl) détenant l’usufruit d’une fraction minoritaire des parts sociales d’une Scea exploitante10. Les associés exploitants de la Scea avaient en effet chacun fait apport à la holding de l’usufruit d’une partie des parts sociales qu’ils détenaient. Ce démembrement permettait dès lors de faire remonter une fraction du résultat social dans la Sarl soumise à l’IS, échappant ainsi aux cotisations sociales. La Msa a contesté ce montage, invoquant notamment, pour démontrer son caractère frauduleux, l’identité d’associés entre la Scea et la Sarl et l’absence d’investissement de la Sarl dans le domaine agricole. Les juges ont suivi l’argumentaire de la Msa, après avoir relevé que, pendant quatre ans, la Sarl n’a eu aucune activité professionnelle réelle : elle s’est contentée de collecter sa quote-part des résultats de la Scea puis de la distribuer à ses associés. Mais surtout, les juges ont constaté que les procès-verbaux des assemblées générales de la holding n’ont jamais fait allusion à une activité ou à des projets d’investissement (immédiats ou à moyen terme après une phase de capitalisation). La Cour d’appel a donc conclu au caractère abusif de ce montage, dont le seul intérêt était de faire échapper la moitié des revenus aux charges sociales.
Portant, quant à elle, sur le principe même d’affiliation au régime des non-salariés agricoles, la décision de la Cour de cassation d’octobre 201311 doit être mentionnée. Pour la première fois, la Haute assemblée considère que le dirigeant d’une holding exerçant de fait le pouvoir de direction au sein d’une société civile agricole dont il n’est pas directement membre (ni associé non participant, ni gérant non associé non rémunéré) doit être considéré comme participant aux activités agricoles de cette dernière et, par conséquent, être affilié au régime des non salariés agricoles. Par cette décision, les juges élargissent la notion jurisprudentielle d’interposition de personne morale.
Ainsi, disposant d’un traitement social favorable, les holdings patrimoniales doivent néanmoins être envisagées avec encore un peu plus de prudence qu’auparavant, en raison du caractère désormais tangible de l’abus de droit dans les décisions de jurisprudence.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :